Affelnet 2022 : mesures complémentaires

Frédéric Gaume
7 min readMar 9, 2023

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[Mise à jour le 25 mars 2023] Julien Grenet a présenté le 8 février dernier son analyse des résultats de la session Affelnet 2022 et ainsi réveillé la « sphère » Affelnet, et moi par la même occasion ;-) , en hibernation depuis l’été dernier.

Rappelons que Julien Grenet a été mandaté par le recteur de Paris pour apporter un regard externe à la réforme de 2021 conduite par la DASEN (Claire Mazeron). Je vous encourage vivement à lire son bilan tant il regorge d’informations. Si vous avez la flemme (TL;DR), de manière très synthétique :

  • Afin de mesurer les progrès de la réforme, il définit deux indices statistiques et calcule leur variation depuis la réforme de 2021 :
    - l’indice de ségrégation sociale a baissé de 39% depuis l’introduction de la réforme
    - l’indice de ségrégation scolaire a quant à lui baissé de 30% dans le même temps.
    J’ai tenté d’exprimer la signification de ces indices en annexe.
  • Ses propositions pour améliorer la situation sont essentiellement :
    - intégrer les lycées privés sous contrat dans Affelnet (car c’est le frein majeur)
    - prendre des mesures pour que certains lycées (tels que Janson de Sailly et Jean de la Fontaine par exemple) ne concentrent pas les cursus à recrutement spécifique (sections internationales typiquement) qui limitent la mixité dans ces lycées
    - jouer sur les associations collèges-lycées de secteur 1 pour résorber la problématique des lycées inaccessibles (ou quasi-inaccessibles) à laquelle se heurtent certains collèges IPS 0.

Avant de réfléchir plus en profondeur sur l’algorithme dans un autre article, je me propose ici simplement de présenter quelques mesures (au sens de “mesurer”, pas au sens “prendre des mesures”) complémentaires à celles de Julien Grenet, et ce sur 2 axes : la mixité sociale et surtout l’accessibilité réelle aux 5 lycées de secteur 1 car je n’ai pas vu de chiffres sur ce dernier sujet dans son compte-rendu.

Mixité sociale

Pour présenter un peu différemment l’évolution de la mixité sociale, qui rappelons-le est un des 3 objectifs de la réforme de 2021 (les 2 autres étant la maitrise du temps de trajet et la mixité scolaire), j’ai tout simplement repris les IPS moyens des admis en seconde à chaque lycée fournis par Julien Grenet dans les pages 32/57 de son compte-rendu. J’ai classé ces 44 IPS moyens en 10 classes de largeur 6 : la première classe est le nombre de lycées dont les admis en seconde ont un IPS moyen entre 88,6 et 94,6, la deuxième ceux entre 94,6 et 100,6 et ainsi de suite jusqu’à 148,6.
Rappelons que, d’après la documentation de l’EN sur l’IPS :
• L’IPS, basé sur la réussite scolaire avérée, est issu d’une corrélation entre cette réussite et la catégorie socio-professionnelle des parents (ce n’est pas un indicateur de niveau de vie matériel des parents !)
• Une différence d’IPS commence à avoir du sens à partir d’un écart de 3.

Cela donne le graphique suivante :

Distributions des IPS moyens de chaque lycée, avant et après la réforme.

L’idée de la réforme, si je l’ai bien comprise, est de faire disparaitre progressivement les classes « extrêmes » c’est à dire celles dont l’IPS moyen des élèves de seconde est trop éloigné de la moyenne académique (124). On voit sur le graphique qu’il s’agit en gros des 3 classes de gauche où l’IPS moyen est trop bas et des 2 classes de droite où c’est l’inverse. Or malheureusement on constate que l’essentiel des mouvements entre 2020 et 2022 est concentré autour de la moyenne.

J’imaginerais une cible avec une distribution plus resserrée autour de sa moyenne, du genre de la distribution en vert sur le graphe suivant :

Distribution cible (en vert) et classes de lycées à résorber (en rouge)

J’ai isolé en rouge clair ce que je considère comme les 2 zones où les efforts devraient se concentrer pour améliorer la mixité sociale.

Toutefois les lycées comportent des effectifs bien différents donc il vaut peut-être mieux analyser plus précisément à la maille “élève” et non plus seulement “lycée”. En effet, en pondérant les données par les effectifs de chaque lycée, la représentation est quelque peu différente :

Distributions des IPS moyens de chaque lycée, pondérées par les effectifs, avant et après la réforme.

Cela nous dit par exemple que 28% des admis en seconde en 2022 sont dans des lycées où l’IPS moyen est entre 124,6 et 130,6. Cette représentation montre cette fois une amélioration entre 2020 et 2022, et l’on se rapproche cette fois de la cible imaginée précédemment :

Distribution cible (en vert) et classes à résorber (en rouge)

L’accessibilité aux lycées de secteur 1

Un irritant et une frustration persistants d’un certain nombre de parents d’élèves sont la non-accessibilité aux 5 lycées de secteur 1 (je ne considère pas ici les 4 lycées « tous secteurs »).

Pour mesurer objectivement l’état des lieux, ainsi que son évolution entre les 2 sessions Affelnet post-réforme, disposant des scores d’admission aux lycées pour 2021 et 2022, j’ai procédé comme suit :

  • J’ai choisi 2 profils types de résultats scolaires : un profil dit « moyen » et un profil dit « élevé » (voir en annexe les notes précises et socle de compétences retenues pour ces 2 profils d’élèves)
  • Pour chacun des 113 collèges publics, j’ai compté combien de choix de lycées effectifs les élèves de ces 2 profils avaient en 2021 et en 2022.

Cela donne les résultats suivants, en premier lieu pour les collèges sans bonus IPS :

Accessibilité aux lycées de secteur 1 pour les collèges sans bonus IPS

Ces graphiques se lisent de la manière suivante (par exemple le premier) : avec tel profil de résultats scolaires, 46% des collèges avait un choix réel de 3 lycées, 34% un choix de 2 lycées et 20% n’avait qu’un seul lycée possible (et donc aucun collège n’avait un choix de 4 ou 5 lycées).

On constate que le nombre de collèges où le choix est limité à 1 ou 2 lycées pour le profil “moyen” et à 2 ou 3 lycées pour le profil “élevé” n’a pas évolué entre les 2 sessions.

Les collégiens avec bonus IPS 600 de profil « élevé » avaient tous 5 choix de lycées, mais ce n’était pas le cas des profils « moyens », comme le montre la figure suivante :

Accessibilité aux lycée de secteur 1 pour les collèges à bonus IPS 600 (profil “moyen”)

Là encore, quasiment aucune évolution n’est constatée entre les 2 sessions.

Quant au profil « moyen » avec bonus IPS 1200, que ce soit pour 2021 et 2022, la moitié des collèges avait un choix de 5 lycées, l’autre un choix de 4.

Ma conclusion : l’accessibilité aux lycées de secteur 1 est très relative et très frustrante pour bon nombre de collèges. Les quelques ajustements effectués annuellement par le Rectorat, s’appuyant sur des simulations avec les vœux de l’année précédente, semblent insuffisants et ne pas être en mesure d’améliorer cette accessibilité. Ce problème persistant nuit selon moi au rassemblement et à l’adhésion autour d’Affelnet.

Annexes

L’indice de ségrégation sociale de Julien Grenet

  1. Julien Grenet considère l’IPS de chaque élève admis en seconde à Paris cette année et il en calcule la dispersion (la variance). Cela constitue donc la variance totale de l’IPS des élèves.
  2. Il calcule, pour chaque lycée, la moyenne des IPS de ses élèves admis en seconde cette année et il calcule la dispersion de cette série (à 44 points donc). C’est ce qu’il appelle la variance inter-lycées.
  3. Il en déduit un indice en effectuant le rapport entre la seconde et la première variance. Selon lui : « Intuitivement, ce rapport mesure le degré de segmentation sociale ». Cet indice a donc baissé de 39% suite à la réforme de 2021.

L’indice de ségrégation scolaire suit exactement le même modèle.

Les profils “types” pour la mesure d’accessibilité aux lycées

  • Profil « moyen » avec score de secteur 1 sans bonus de 39 823,846 points
    - 3 compétences de socle au maximum, les 5 autres à « satisfaisant »
    - toutes les moyennes trimestrielles entre 10 et 15, sauf 4 qui sont maximales (supérieures ou égales à 15).
  • Profil « élevé » avec un score de secteur 1 sans bonus de 40 590,587 points
    - toutes les compétences de socle aux maximum
    - toutes les moyennes trimestrielles au maximum sauf : Français, Histoire-Géographie et EPS qui sont à 14.

Sources

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