Premiers résultats Affelnet 2023

Frédéric Gaume
8 min readJul 3, 2023

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Les résultats d’affectation aux lycées parisiens ont été notifiés ce 27 juin. Grâce à la réactivité des parents d’élèves qui ont aussitôt demandé leur fiche barème auprès du Rectorat et ont ainsi pu contribuer à la boite à outils : les moyennes et écarts-types de l’Académie sont déjà complètes, et la majorité des lycées sous pression ont leur seuil d’admission publié. Merci pour votre engagement, qui sera notamment apprécié par les parents concernés l’an prochain.

La boite à outils a donc été mise à jour (version 9.1.0) avec les données 2023, ce qui permet de vérifier vos fiches barèmes 2023.

Je vous propose mes premiers constats à chaud, en attendant le bilan du comité de suivi de février prochain, qui sera évidemment bien plus riche puisque disposant de bien plus de données (non publiques).

Les seuils d’admission se durcissent

On constate immédiatement en regardant la section “Seuils d’admission” de la boite à outils que la grande majorité des seuils a hélas grimpé, y compris ceux des lycées déjà à des niveaux records. Turgot par exemple arrive à bondir de 140 points pour atteindre le seuil le plus élevé de Paris, le rendant même difficilement accessible aux collégiens ayant un bonus IPS 600.

Voici une copie d’écran de la section “Seuils d’admission” de la boite à outils montrant les 20 lycées les plus difficilement accessibles :

Fig. 1 : les 20 lycées les plus difficilement accessibles

La grande majorité (3 quarts pour être précis) de ces lycées a vu son seuil augmenter (la dernière colonne exprime la différence avec l’an dernier).

Hélène Boucher rentre dans le lot des lycées (encadrés en rouge) mathématiquement inaccessibles aux collégiens IPS 0 (ce qui n’a certes pas causé de déception particulière cette année puisqu’aucun collège IPS 0 ne l’avait parmi ses lycées de secteur 1, comme c’est le cas avec Turgot).

De plus, et malheureusement sans surprise puisque aucune modification de secteur n’a été effectuée cette année pour y remédier, seuls les collégiens boursiers des collèges Condorcet, Malraux et Lamartine avaient une chance d’accéder au Lycée Condorcet.

Remarquons que le seuil de Chaptal correspond exactement au score parfait IPS 0, donc certes techniquement possible, mais réservé à une poignée de collégiens.

Si l’on regarde les lycées dont le seuil a le plus augmenté, on obtient cette liste (qui peut encore légèrement changer puisque tous les seuils ne sont pas encore connus) :

Fig. 2 : les seuils qui ont le plus augmenté

La hausse du seuil de Pierre-Gilles de Gennes peut s’expliquer par le durcissement des seuils de certains lycées convoités par les collégiens à profil scientifique (Sophie Germain, Charlemagne, Victor Hugo) ainsi que la situation problématique de certains collèges IPS 0 qui avaient Camille Sée en “5e lycée” de secteur 1 (voir plus loin).

Stabilité des statistiques académiques

Les contributions de parents d’élèves sur la boite à outils ont permis de déduire les statistiques des champs disciplinaires de cette année. Contrairement à l’an dernier, elles sont remarquablement stables :

Fig. 3 : moyennes académiques des 7 champs disciplinaires en 2023
Fig. 4: écarts-types académiques des 7 champs disciplinaires en 2023

Ces données statistiques permettent également de déduire les scores maximum (du bilan périodique d’une part et par conséquent des scores maximums IPS 0, 600 et 1200) :

Fig. 5 : scores maximum en 2023

On remarque que le score maximum n’évolue que d’un demi-point (!) par rapport à l’an dernier. Cela confirme bien que l’on peut sereinement extrapoler son futur score Affelnet à partir des données statistiques de l’année précédente. Ce point valide l’approche de la boite à outils, tant mieux.

La connaissance des écarts-types permet également de ré-évaluer les points apportés par le passage à 15 d’une moyenne trimestrielle, qui, on l’avait déjà vu dans un précédent article, évoluent très peu :

Fig. 6 : points apportés par le passage à 15 d’une moyenne trimestrielle d’une matière d’un champ disciplinaire

Ce tableau dit que, par exemple, passer à 15 une moyenne trimestrielle de SVT ou de Physique-Chimie ou de Technologie rapporte 4,9 points.

Pour les collèges en semestre, ces apports de points sont évidemment encore supérieurs :

Fig. 6 : points apportés par le passage à 15 d’une moyenne semestrielle d’une matière d’un champ disciplinaire

Les points durs

Déjà globalement, on vient de constater que les résultats scolaires n’ont pratiquement pas changé par rapport à l’an dernier, mais que parallèlement les seuils d’admission ont monté en masse. On peut donc supposer que : soit le nombre total de collégiens a augmenté, soit la capacité totale des lycées a baissé (fermeture de classes ?). Or la tendance démographique est à la baisse, Julien Grenet l’a indiqué l’an dernier dans son rapport. Il nous dit que cela avait d’ailleurs contribué à détendre la pression chez certains lycées, et que cette baisse démographique allait s’inscrire dans la durée. Donc … je pencherais plutôt pour la seconde option : la capacité des lycées réglée dans Affelnet a probablement baissé. On aura la réponse j’espère lors du prochain rapport du comité de suivi.

De manière plus localisée, j’ai eu l’occasion de contribuer à l’accueil organisé par la FCPE Paris le 1er juillet, afin d’aider les parents éprouvant de la déception ou de l’incompréhension par rapport à l’affectation de leur enfant. Cette journée a été active et instructive pour moi. J’ai pu observer plusieurs situations problématiques.

Trop de lycées de secteur 1 extrêmement difficiles d’accès

D’abord les mêmes collèges (tous IPS 0) semblent concentrer la plupart des déceptions. Au delà de l’absence de bonus IPS bien sûr, cela s’explique aussi au regard de leurs lycées de secteur 1 : les seuils de Sophie Germain, Victor Hugo et Charlemagne par exemple sont dans un mouchoir de poche, et très difficilement accessibles (à partir de 40 707 points alors que le score parfait est de 40 741). Des excellents élèves ont vu ces 3 lycées leur échapper pour quelques points. Finalement, la grande majorité des élèves de ces collèges n’a que 2 lycées de secteur 1 accessibles. Et surtout (cf. plus bas), ils l’ignorent (et donc négligent parfois les voeux de repli).

Pour illustrer ce point de manière plus claire, par exemple sur la zone centre : un élève de Couperin / Victor Hugo / Charlemagne ayant toutes les notes maximales sauf un trimestre à 14 en Français et un trimestre à 14 en EPS se voit refuser 3 de ses 5 lycées de secteur 1.

De plus, certains collégiens sont en dérogation dans un collège IPS 0 alors que leur collège de secteur comprend Turgot ou Hélène Boucher parmi ses lycées de secteur 1. Ces collégiens partent donc d’emblée avec un lycée de secteur 1 en moins. Pour peu que les 2 lycées (Turgot et Hélène Boucher) y soient en même temps (c’est le cas de Charles Peguy ou Gambetta par exemple) et alors là ça se complique sérieusement. Donc regardez bien les lycées de secteur 1 de votre collège de secteur si vous envisagez une dérogation vers un collège IPS 0 en 6e !

“5e lycée” pas si facilement accessible

Comme analysé dans un article précédent, les “5e lycées” Voltaire, Quinet et Camille Sée présentent un seuil d’admission “quand même sélectif” (accessible qu’en secteur 1). L’an dernier, Voltaire et Quinet avaient considérablement grimpé, cette année cela a été le cas de Camille Sée (+ 846 points !), mettant ainsi en risque certains élèves fragiles des 3 collèges IPS 0 qui l’avaient en 5e lycée de secteur 1, à savoir : Jules Romain, Montaigne et Victor Duruy (cf. le dernier tableau de l’article). Placer les 5 lycées de secteur 1 n’a donc pas suffi à certains élèves.

Le Rectorat s’est engagé à quand même placer ces élèves qui ont bien choisi 5 lycées de secteur 1 “au chausse-pied” dans un de leur lycées de secteur 1, leur épargnant ainsi le 2e tour. Très bien, mais que se passe-t-il si les désistements du 5e lycée ne permettent pas d’intégrer la totalité de ces élèves ? Il faudrait donc placer les élèves restants sur le “4e lycée” (lesquels ? ceux avec le meilleur score ?), mais comment ne pas violer le principe fondamental de l’équité de l’algorithme de Gale & Shapley ? Un élève pourrait alors prendre la place d’un collégien qui avait un meilleur score que lui sur ce 4e lycée, non ?

Utilisation de la compétence de socle citoyenne comme “triple peine” disciplinaire

On le sait depuis longtemps, les compétences de socle pèsent bien plus que les résultats scolaires chiffrés (3x plus en gros). Rappelons que ces compétences comptent aussi pour le brevet. Elles sont valorisées à 50, 40, 25… avec un coefficient 12 pour Affelnet et 8 pour le DNB.

Au sein de ce socle figure en particulier la compétence “Formation de la personne et du citoyen”. L’idée derrière cette compétence est détaillée page 16 de la documentation officielle de l’EN. J’ai pu observer que certains collèges (au moins un en tout cas, et à plusieurs reprises) utilisent cette compétence pour faire passer une 3e peine disciplinaire (sanction en cours d’année + contrôle continu du DNB + affectation en seconde = 3).

Je rappelle simplement que mathématiquement faire passer les notes de toutes les matières d’un trimestre de 15+ à 15- fait baisser le score Affelnet final de 112 points. Or passer une compétence de 50 à 40 fait perdre 12 x (50 — 40) = 120 points. Abaisser à 25 engendre une perte de 300 points (!). Au vu de ce qu’on a dit plus haut sur le “prix” des points pour certains collèges, ces baisses de points ont un impact tel qu’elles dictent quasiment le résultat de l’affectation : pour un collège qui a 3 lycées de secteur 1 dans le top 10, on passe directement au voeu 4.

Des parents encore trop peu ou trop tardivement informés

Il ne suffit pas de recommander aux parents de sélectionner 5 lycées de secteur 1, il faut aussi leur démontrer pourquoi, les convaincre afin qu’ils ne commettent pas d’imprudences (voire leur conseiller d’ajouter d’autres lycées de repli). Il y a trop peu de pédagogie selon moi : j’ai par exemple reçu une excellente élève sans affectation car seuls 3 lycées de secteur 1 avaient été sélectionnés.

Certains parents découvrent la règle du passage à 15 beaucoup trop tard. Je rappelle qu’une moyenne en dessous de 15 au premier trimestre ne se rattrapera jamais (avoir 20 les 2 trimestres suivants n’y changera rien) et pèsera inexorablement pour les collégiens IPS 0 ayant des lycées de secteur 1 tendus. Le savent-ils début septembre ?

Les réunions d’information sur Affelnet doivent selon moi avoir lieu en septembre et non pas au 3e trimestre (sous prétexte que la circulaire officielle n’est publiée qu’au printemps). Certes les lycées de secteur 1 peuvent changer de temps en temps d’une année sur l’autre, mais pas le fonctionnement de l’algorithme (ou très rarement, ce fut le cas en 2021 bien évidemment).

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