Affelnet 2021 : surpression sur certains lycées

Frédéric Gaume
5 min readAug 26, 2021

Les scores d’admission 2021 (non-boursiers) aux lycées parisiens — collectés dans ce tableau collaboratif grâce à des parents d’élèves — posent parfois question.

Turgot par exemple, on l’a vu précédemment, inaccessible aux collégiens IPS 0, ainsi que Charlemagne nécessitaient des scores très élevés. D’autant qu’il fallait même 354 points de plus que Charlemagne pour être admis à Turgot, ce qui est considérable. Une telle pression sur ces lycées était-elle prévisible ?

Remarque : tout ce qui suit s’applique aux collégiens non-boursiers, pour la simple raison que je ne dispose pas des résultats de collégiens boursiers (comme déjà dit, ce sont 2 « concours » avec les mêmes règles, mais bien séparés).

Le concours d’admission Affelnet à un lycée pourrait être vu schématiquement comme une course d’athlétisme où seuls les 4 premiers arrivés se qualifieront pour la finale (c’est à dire seront admis au lycée souhaité). Mais ce serait une course un peu spéciale, puisqu’il y aurait 3 lignes de départ :

  • la ligne de départ classique d’où partent les collégiens IPS 0,
  • une deuxième ligne de départ, un quart de tour plus loin, pour les collégiens IPS 600,
  • une troisième ligne, à un demi-tour du départ classique pour les collégiens IPS 1200.

On sent bien qu’il existe une taille maximale pour le groupe le plus avancé à partir de laquelle les 2 autres groupes n’ont aucune chance de finir dans les 4 premiers, quels que soient leur nombre et leur vélocité (c’est à dire leur résultats scolaires).

Donc tout le problème est de régler finement les tailles des 2 groupes avancés au regard du nombre de places qualificatives pour qu’à l’arrivée, les 3 populations soient représentées équitablement parmi les “qualifiés”.

Si l’on part des informations de secteurs fournies par le Rectorat on peut (péniblement) recenser l’ensemble des collèges qui ont un lycée donné en secteur 1. Regardons donc Turgot et Charlemagne. J’ai effectué ce travail de dénombrer tous les collèges IPS 0/600/1200 ayant ces 2 lycées en secteur 1, et j’ai obtenu les résultats suivants :

Collèges IPS 0/600/1200 ayant ces 2 lycées en secteur 1

Alors vous me direz que mon unité de comptage est un peu grossière et qu’il faudrait compter les collégiens plutôt que les collèges. Objection retenue, on peut par exemple estimer les collégiens en partant du nombre d’inscrits au brevet 2020 pour chaque collège (information publique).

On obtient alors ces données (auxquelles j’ai ajouté le nombre de places disponibles pour les 2 lycées car c’est nécessaire pour évaluer le taux de pression) :

Collégiens IPS 0/600/1200 ayant ces 2 lycées en secteur 1

Si l’on définit le taux de pression par population IPS (0/600/1200) comme le nombre de collégiens (de secteur 1) ayant un bonus IPS donné en concurrence sur une place d’un lycée, on obtient les chiffres suivants (en divisant simplement les 3 colonnes précédentes par le nombre total de places disponibles pour les non-boursiers), sous forme tabulaire et graphique :

Collégiens IPS 0/600/1200 en concurrence sur une place de lycée
  1. Premier constat : les collèges dits « socialement favorisés » sont, avant même de faire tourner l’algorithme, écartés de Turgot, ce qui pose question puisque l’idée de la réforme est justement d’homogénéiser les lycées socialement.
  2. Le taux de pression IPS 1200 sur Turgot est tellement élevé (presque 5 collégiens IPS 1200 pour une place de lycée) que c’est également difficile pour les collégiens IPS 600. Les résultats ont montré qu’il fallait à ces derniers avoir toutes les compétences de socle au maximum sauf une, et ne perdre que 125 points de notes par rapport au maximum possible (par exemple en ayant juste 13 en Sciences, Langues et Maths, et 16 sur tous les autres champs disciplinaires).
    C’est la pression des IPS 1200, et dans une moindre mesure celle des IPS 600 qui dictent les résultats à l’arrivée : si on avait ajouté Turgot au secteur 1 de tous les collèges IPS 0 de Paris, aucun collégien IPS 0 n’aurait été admis pour autant à ce lycée.
  3. La prépondérance des collégiens IPS 0 sur Charlemagne a été sans effet pour les faire admettre à ce lycée. Les taux de pression IPS 1200 à 1,5 et IPS 600 à 2,8 sont trop élevés pour laisser passer des IPS 0 (ou quasiment pas, car on l’a vu, le collégien IPS 0 aux notes/compétences « parfaites » pouvait passer).

(Premières) conclusions

Il me semble que certains ajustements soient nécessaires pour la prochaine session Affelnet (2022 donc), en particulier proposer 5 choix réellement possibles en secteur 1 pour tous les collégiens.

Personnellement, je suis convaincu que le Rectorat disposera dès la rentrée de nouvelles données essentielles (qui ont fait cruellement défaut au moment des premières simulations l’an dernier) : les vœux réels des collégiens de la session de 2021, qui donc tiennent compte de la nouvelle réforme (donc de la limitation à 5 lycées).

Selon moi, cette connaissance peut changer la donne, car il est maintenant possible de lancer des simulations successives beaucoup plus vraisemblables que l’an dernier, et donc d’ajuster certains paramètres afin de corriger les problèmes rencontrés en 2021 (lycées de secteur 1 inaccessibles) et plus généralement converger vers des résultats encore plus en accord avec les intentions annoncées de la réforme.

Toutefois, certains lycées, Lamartine, Chaptal ou Voltaire par exemple, ont obtenu les résultats escomptés, c’est à dire des collégiens admis où les 3 populations sont représentés de manière homogène. Donc on dispose maintenant d’un couple de taux de pressions 1200 et 600 qui s’avère optimal. Il suffirait donc de s’en inspirer et de se rapprocher de cette pondération sur les autres lycées, en remaniant donc certaines associations de secteur 1.
Si l’on revient sur la cas de Turgot (que l’on peut selon moi rapprocher du cas du lycée Hélène Boucher), le problème semble provenir que bon nombre de collégiens IPS 1200 concentrent leur choix sur ces 2 lycées. Il faudrait donc selon moi offrir un éventail de lycées de secteur 1 plus large aux collégiens IPS 1200 pour éviter la surpression sur ces lycées, car comme déjà évoqué avec la métaphore de la course d’athlétisme, c’est bien la pression du groupe des IPS 1200 qui dicte les résultats à l’arrivée.

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